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Fadhel Jaibi narre ''Violences'' dans toutes ses couleurs

Fadhel Jaibi, homme de théâtre et directeur du Théâtre national tunisien était l’invité de Hédi Zaïem dans Corniche du jeudi 4 août 2016. Jaibi a parlé de Violences, la pièce de théâtre qui  sera présentée le 06 août courant, à la 52ème édition du Festival international de Carthage.


En effet, Jaibi dit d’emblée qu’il est loin d’être à sa première présentation à l’amphithéâtre de Carthage. Pas plus loin que 2013, Jaibi a été à Carthage pour la présentation de ''Tsunami''. Il ajoute que des dizaines de ses travaux ont été présentés à Carthage, même s’il considère que la présence purement théâtrale reste insuffisante.

 

« Je suis heureux que Violences soit programmée à Carthage, mais je suis tout aussi triste qu’il s’agisse de l’unique pièce de théâtre ».

Ceci dit, Jaibi explique qu’il ne déconsidère pas pour autant le show de Lotfi Abdelli. « Je ne suis aucunement en rupture avec le show de Abdelli. Au contraire, dans son genre,  Lotfi Abdelli doit être présent. Ce que je veux dire, c’est que personne ne doit avoir l’apanage de la présentation. J’aurais aimé qu’à côté du Show d’Abdelli, il y ait d’autres shows du même genre. Il en est de même pour Violences, j’aurais aimé qu’il n’agisse pas de la seule présentation dans le genre. Personne ne doit être présent, seul. Je préfère qu’on soient tous présents ensemble pour que le théâtre fleurisse».

Et d’ajouter « La présentation de Violences ne se limite pas aux théâtres des grands festivals. Elle s’étend également aux différents théâtres du pays », dit-il.



Le théâtre perd son charme avec les micros


Fidèle aux normes théâtrales, Jaibi dit, que la pauvreté de la technique de sonorisation ne devrait pas se poser lorsqu’on parle de théâtre. Il s’est dit foncièrement contre l’usage des micros tant il estime qu’un artiste ne pouvant pas imposer sa présence sur scène et  ne pouvant pas faire parvenir sa voix, ne saura, par ailleurs, pas capter l’attention du spectateur qui se permettra de bavarder.

« Une pièce qui se respecte et de bons acteurs n’ont pas vraiment besoin d’une forte sonorisation parce qu’ils vont pouvoir capter toute l’attention du spectateur. Ce dernier, absorbé, va observer le silence. S’il se tait, il pourra écouter. Autrement, la faute sera endossée aux artistes qui n’ont pas su absorber toute l’attention de la présence !

Donc, le 6 août, il y aura seulement des micros fantômes qui seront posés juste devant le théâtre », explique-t-il. Et d’ajouter « La présentation de Violences ne se limite pas aux théâtres des grands festivals. Elle s’étend également aux différents théâtres du pays », dit-il.
 


Interdite aux moins de 15 ans

 


Samedi 6 Août, Violences, sera présentée à Carthage et sera interdite au moins de 15 ans. Pour expliquer cette consigne, Jaibi dit qu’à la maison, les parents sont les seuls juges et c’est de leur boulot de parents de permettre ou d’interdire à leurs enfants de voir un travail artistique. Il ajoute qu’au cinéma ou au théâtre, la responsabilité revient aux artistes.
 

« On doit avertir les gens que Violences peut avoir un effet d’électrochoc sur des adolescents. Il ne s’agit, en effet pas d’un théâtre ordinaire. Violences est sous forme de cinq pièces en une, un jeune qui ne connait pas les violences peut en être choqué".


Il a ajouté que, contrairement à ce qui se dit, Violences n’est pas une pièce élitiste. "Certes, le théâtre s’adresse à l’esprit, à l’âme et aux cerveaux des gens, ce qu’il lui vaut une réputation culturelle-élitiste. Mais tous les spectateurs, dans leurs différentes catégories peuvent assister et peuvent comprendre le message.  Le théâtre est élitiste parce qu’il pousse à réfléchir, mais notre public n’appartient pas forcément à l’élite" !

 


Les gens viennent au théâtre pour voir leur réalité


Il est vrai que les gens préfèrent le rire et le divertissement et qu’ils ont en marre de la violence et des problèmes, dit Jaibi.

"Mais aussi bizarre qu'il puisse sembler être, le spectateur vient, pleure, se choque, s’émeut, reste jusqu’au bout, rente avec un nœud à la gorge. Mais il revient au théâtre: toujours!

Les gens reviennent voir ce qu’ils ne veulent pas voir en réalité. Il est probablement plus facile d’accepter la réalité via la magie de l’art que de l’accepter toute crue. Alors ils viennent voir le miroir qui les met face à la réalité et qu’est le théâtre », explique-t-il.
Et d’ajouter que le plus dans cette pièce, c’est de prouver que tous les fléaux sont basés sur la violence. "Et comme le dit Albert Camus « un homme ça s’empêche ». L’homme se retient donc pour ne pas laisser exprimer sa monstruosité et pour ne pas lâcher la bête qui sommeille en lui. La pièce est là pour prouver qu’une fois la bête lâchée, tout le monde est capable de tuer et que ceci est une affaire humaine par excellence. Ceci ne dépend pas spécialement de la religion, de l’éducation, de l’instrumentalisation, de l’environnement, mais de la prédisposition humaine".
 


Le théâtre diagnostique et ne traite pas

 

Le théâtre, explique Jaibi, doit montrer et dévoiler la réalité qui se cache derrière tout ce qui est apparent comme phénomène réel. Il ajoute que le théâtre ne propose pas de traitement ni de solutions.

« En termes médicaux, nous sommes tels les radiologues qui diagnostiquent les causes d’un mal. On le pointe du doigt et il s’agit du premier pas vers le traitement parce qu’il suffit de connaitre les causes d’un mal pour le traiter. Mais ce n’est pas de notre rôle de donner des solutions ou des traitements. On décortique, on analyse et on dévoile".


Notons que Violences est produite d’après une mise en scène de Fadhel Jaibi et un texte de Jalila Baccar, la pièce est une réflexion sur les crimes commis en Tunisie post- révolutionnaire.


Outre le Festival de Carthage, “Violences” fera une série de spectacles à travers quatre autres festivals internationaux du pays, à Sfax (08 août), Hammamet (12 août), Sousse (14 août) et Bizerte (16 août).